Documentaire salle : un état des lieux qui interroge
Sébastien Lachaussée et Elisa Martin-Winkel

Sébastien Lachaussée et Elisa Martin-Winkel

Documentaire salle : un état des lieux qui interroge

Ces dix dernières années, l’offre de films documentaires au cinéma a doublé pour atteindre 17,3% de l’offre avec 120 films documentaires en 2017 dont 87 documentaires français.

Cette forte croissance est également présente au sein de la production où les documentaires représentent 14,3% des films agréés. Surtout, avec 37 films sur les 43 agréés par le CNC, le nombre de documentaires d’initiative française se maintient à un niveau élevé en 2017.

Avec 37 films sur les 43 agréés par le CNC, le nombre de documentaires d’initiative française se maintient en effet à un niveau élevé en 2017.

Sur le plan financier, le devis moyen des documentaires d’initiative française s’établit à 0,69 M€, contre une moyenne de 4,9 M€ pour les films de fiction. A l’exception de la part des postes liés aux rémunérations qui est similaire, la répartition des dépenses entre documentaire et fiction diffère grandement la proportion des dépenses de tournage est inférieure pour le documentaire (20,8 %, contre 31,7 % pour la fiction), tandis que celle des dépenses techniques est supérieure (21,4 % pour le documentaire, 10,5 % pour la fiction).

Surtout, et en dépit d’une production croissante, la production de documentaire pour le cinéma rencontre de nombreuses difficultés liées au format documentaire en lui-même, et au peu de dispositifs prenant en compte sa spécificité pour le cinéma.

Il doit en premier lieu être noté ici que le moratoire portant sur les films au budget inférieur à un million d’euros n’est pas applicable aux films documentaires. Ce moratoire est adapté dans le cadre de productions à faible budget en permettant aux producteurs de déroger à la grille des salaires conventionnels et de déterminer les salaires techniciens de gré à gré, sous réserve de respecter le SMIC.

Par ailleurs, les dispositions de l’Annexe III, de la convention collective, qui permettent un abaissement des salaires conventionnels pour les films fragiles sont particulièrement restrictives pour le documentaire salle. L’article 12 du titre 2 de la convention collective prévoit un intéressement aux recettes comme suit « Il est institué, dans les conditions fixées en annexe III pour les techniciens participant à la réalisation d’un film déterminé et correspondant à des caractéristiques économiques particulières définies dans ladite annexe, un accord d’intéressement spécifique aux recettes d’exploitation desdits films. » Ce dispositif suppose l’agrément du film par une commission paritaire étant entendu que « Les partenaires sociaux conviennent de tirer un bilan annuel du dispositif, afin qu’en moyenne annuelle seuls 20 % des films agréés et entrant dans le seuil défini ci-dessus puissent appliquer le dispositif prévu à la présente annexe »

L’annexe 3 est d’application plus stricte s’agissant des films documentaires en prévoyant que pour bénéficier de ce dispositif, le budget prévisionnel d’un film documentaire « doit être inférieur à 0,6 million d’euros de dépenses extérieures à la société de production, étant précisé que ces budgets s’entendent hors imprévus ; », le seuil étant établi à 3 millions d’euros pour les films de fiction.

De la même manière, les dispositions en matière de crédit d’impôt telles que prévues à l’article 220 sexies du Code général des impôts ne sont pas favorables à la production de films documentaires de long métrage.

On peut notamment noter à cet égard que les coûts liés à l’acquisition d’images d’archives ne font pas parties des dépenses éligibles au crédit d’impôt pour les œuvres cinématographiques, alors même qu’ils constituent une dépense usuelle et importante dans la production de films documentaire et sont des dépenses éligibles dans le cadre d’œuvres audiovisuelles. A l’inverse, les dépenses liées à la rémunération des artistes interprètes, aux effets spéciaux de tournage ou costumes, coiffure et maquillage, qui sont des dépenses éligibles, sont pratiquement inexistantes ou très faibles dans le cadre des documentaires, ce qui avantage nettement la production de fiction.

Par ailleurs, les calendriers du crédit d’impôt ne sont pas compatibles avec les délais de production de nombreux documentaires salles mais adapté à la production de fiction. En effet, la production de films documentaires impose souvent des temps de tournage et de production longs afin de suivre le sujet du documentaire, sur une période donnée. En ce sens, l’obligation de reverser le crédit d’impôt si le visa d’exploitation n’est pas délivré dans un délai de 2 ans suivant la clôture du dernier exercice au titre duquel le crédit d’impôt a été obtenu est pénalisante pour les producteurs de films documentaires.

Enfin, il peut être souligné que les aides en place en faveur des longs métrages documentaires sont très restreintes. On peut notamment noter qu’aucune aide dédiée au développement et à l’écriture n’existe. Les producteurs de longs métrages documentaires peuvent solliciter l’avance sur recettes avant et après réalisation, l’Aide aux cinémas du monde et les aides automatique et sélective à la création visuelle ou sonore par l’utilisation des technologies numériques de l’image et du son et seront en concurrence avec les longs-métrages de fiction sur ces guichets. On notera également que sur le dispositif de l’Avance sur Recette, outre la concurrence élevée existant sur ce dispositif, seules de rares exceptions ont été aidées.

Au vu de ce qui précède, il serait heureux de voir évoluer la réglementation en faveur de la production de documentaires de longs métrages, et ainsi de lui reconnaître la place qu’elle mérite au vu de l’évolution du succès de ce format en production comme en distribution ces dernières années.

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