Depuis une décennie, les maisons de luxe ont nettement intensifié leur présence dans le septième art. La Fondation Prada a profité de la Mostra de Venise 2025 pour annoncer la création fonds de 1,5 M€ destiné à soutenir une douzaine de projets cinématographiques par an. A la faveur de cette actualité, deux chemins se dessinent nettement : celui du mécénat (I), forme historique et désintéressée et la production et coproduction (II), véritable engagement économique et éditorial.
Le mécénat se définit comme « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. » (Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière).
Il s’agit donc d’un don, d’une entreprise ou d’un particulier, à une activité d’intérêt général, en numéraire, en nature ou en compétences, sans attendre en retour de contrepartie équivalente. Seules des contreparties symboliques sont admises, à condition de rester manifestement disproportionnées au regard du don, faute de quoi l’opération bascule dans le sponsoring.
En effet, la notion d’intérêt général est au cœur de cette pratique. Ainsi, sont éligibles au mécénat les fondations, associations et personnes publiques répondant aux critères cumulatifs d’intérêt général au sens de l’article 238 bis du Code général des impôts : une activité non lucrative, une gestion désintéressée et un cercle étendu de bénéficiaires.
Le régime fiscal, parmi les plus incitatifs au monde, ouvre aux entreprises une réduction d’impôt de 60 % du montant du don effectué jusqu’à 2 millions d’euros de dons annuels, et aux particuliers une réduction de 66% dans la limite annuelle de 20% du revenu imposable. Il doit être noté que les dons réalisés au profit de personnes physiques (auteurs ou réalisateur, par exemple) n’ouvrent pas droit aux avantages fiscaux.
Au-delà du cadre fiscal favorable, l’esprit du mécénat est d’investir le patrimoine culturel et cinématographique. Chanel illustre cette démarche en se positionnant comme mécène de l’audiovisuel : la maison soutient les Cahiers du cinéma et la Cinémathèque française, porte le Chanel Next Prize doté de 100 000€ assorti d’un programme de mentorat et s’associe à la plateforme MUBI pour lancer la Next Prize Collection, une programmation composée exclusivement de films récompensés par un Chanel Next Prize. Autant d’initiatives qui relèvent d’un soutien à la création, sans prise de contrôle sur les œuvres.
L’initiative de la Fondation Prada s’inscrit également dans cette démarche, avec des dotations accordées selon des critères tels que la qualité, l’originalité et la vision, dans le but de soutenir les réalisateurs, scénaristes et producteurs tout au long des trois phases cruciales de la réalisation d’un film : le développement, la production et la post-production.
Au-delà du mécénat historique, s’affirme désormais la volonté de certaines maisons de s’investir pleinement dans la production, jusqu’à entrer au cœur de la fabrique des œuvres.
Dans le cadre du développement de l’œuvre, un producteur va solliciter de nombreux interlocuteurs afin de sécuriser des financements : CNC, fonds régionaux, distributeurs et diffuseurs… mais également envisager des apports de la part de coproducteurs – simples ou délégués.
Le producteur délégué d’une œuvre audiovisuelle ou cinématographique est « la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre ». Il en assume la responsabilité artistique, technique et financière, en garantissant la réalisation et l’exploitation suivie de l’œuvre. Le « simple » producteur réalise quant à lui un apport à la production, en contrepartie d’une quote-part de propriété sur le film et sur les recettes d’exploitation. L’apport est alors réalisé à risque, sans garantie de retour sur investissement.
Ces dernières années, des marques emblématiques du luxe, telles que Yves Saint Laurent ont investi le rôle de coproducteur.
Créée en 2023, Saint Laurent Productions incarne ainsi une véritable activité de producteur sous l’égide de la marque. A cet égard, Saint Laurent Productions est présenté comme coproducteur de films d’ampleur internationale tels que Emilia Perez de Jacques Audiard ou Les Linceuls de David Cronenberg, mais également des documentaires de création.
Ainsi Saint Laurent Productions est coproducteur de « La passion selon Béatrice » de Fabrice du Welz auquel il a apporté un financement de 600 000 euros sur un budget de 764 872 €, ainsi que la mise à disposition de costume de la marque. En contrepartie, la société dispose de seulement 50% de la propriété du film et d’un couloir de recettes de 100 % jusqu’à remboursement de son apport puis abaissé à 50%.
En revanche, Saint Laurent Productions s’assure que lors du tournage et de la promotion du film il soit fait usage de vêtements et accessoires Saint Laurent et de pouvoir faire usage du film et de ses éléments pour la promotion de la marque.
CHANEL a également pu intervenir en tant que partenaire financier de projets en dehors du cadre du mécénat. Ainsi, la marque a investi dans le spectacle immersif Le bal de Paris de Blanca Li, en apportant à la fois des financements importants et un soutien artistique.
Le recul est encore limité mais on relève pour le moment des conditions financières très favorables pour le producteur délégué, accompagnées en revanche d’un contrôle éditorial fort afin de satisfaire à l’image de la marque.
On constate par ailleurs que l’engagement des marques pour la création audiovisuelle et cinématographique prend des formes très diverses, allant du mécénat à la coproduction, dont la mise en place peut être complexe et doit être adaptée à chaque projet. Dans ce cadre, il est judicieux de prendre contact avec un avocat spécialisé afin d’obtenir un accompagnement efficace et adapté.
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