Chat GPT, Dall-E 2, Midjourney … permettent de générer du texte ou des images à partir de consignes textuelles. Pour ce faire, les IA « piochent » dans une base de données de textes ou d’images préexistants grâce aux métadonnées caractérisant lesdites sources.
Les utilisations possibles sont nombreuses tant pour le grand public que pour les artistes ou professionnels.
D’un point de vue juridique et plus spécifiquement de la propriété intellectuelle cela soulève de nombreuses questions notamment s’agissant de la paternité des œuvres créées à partir d’un logiciel d’IA.
En effet, en droit français, pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, une œuvre doit être originale c’est-à-dire refléter l’empreinte de la personnalité de l’auteur par un apport personnel et intellectuel.
Dans ce cadre, il s’agit alors de considérer tous les auteurs ou ayants-droits d’auteur impliqués dans la création d’une œuvre avec l’assistance d’une IA, qu’il s’agisse des droits des éditeurs de services de création assistée par IA, des auteurs des données antérieures reprises par les IA et de ceux des utilisateurs desdites IA de services de création assistée par IA.
1/ Quels droits ont les éditeurs de services IA sur le contenu généré ?
En premier lieu, les éditeurs de services de création assistée par IA bénéficient des droits sur les logiciels qu’ils mettent à disposition des utilisateurs, à titre gratuit ou payant.
Cependant, les éditeurs de logiciel ne participent pas à la fabrication des créations mises au point en utilisant le logiciel et aucune intervention de l’éditeur n’est réalisée lors de la saisie d’indication de l’IA.
En ce sens, il ne semble pas que l’éditeur puisse se voir automatiquement attribuer des droits sur les créations résultant de l’usage du logiciel d’IA (pas plus qu’habituellement l’éditeur d’un logiciel de traitement d’image ou de montage).
Cependant, pour certains, l’intervention humaine étant particulièrement faible pour la génération des créations IA, les créations générées pourraient être la propriété des éditeurs.
Afin de parer à toute interprétation juridique, et pour permettre aux utilisateurs d’exploiter les créations, les éditeurs organisent en général, dans leurs conditions générales une cession au profit des utilisateurs, et régulent l’usage qui est fait des logiciels et les éventuelles limites s’agissant de la génération de contenus ou de l’exploitation de ceux-ci.
Ainsi les conditions générales d’utilisation d’OPEN AI, qui édite notamment Chat GPT et Dall-E, prévoient une cession de tous les contenus générés au bénéfice des utilisateurs, à toutes fins, y compris commerciales.
Elles mettent toutefois en garde les utilisateurs sur les éventuels similitudes et ressemblances entre les contenus générés pour différents utilisateurs et avertit que les créations similaires générées pour d’autres utilisateurs ne sont cédées qu’à l’utilisateur les ayant sollicitées.
Il est également prévu que le contenu généré ne peut être présenté comme ayant été créé par un humain.
Les conditions générales de Midjourney prévoient de la même manière une cession en faveur des utilisateurs, contre rémunération dans certaines circonstances et notamment dans le cas d’usage des services pour le compte d’un employeur. L’éditeur bénéficie par ailleurs d’une licence non-exclusive sur les contenus générés.
Les utilisateurs doivent donc se montrer vigilants s’agissant de l’usage pouvant être fait des créations réalisées avec l’assistance d’un outil d’IA.
2/ Quels sont les droits des utilisateurs des services de création assistée par IA ?
La réponse à cette question est complexe et il s’agit notamment de déterminer si une œuvre de l’esprit au sens du code de la propriété intellectuelle implique une création effective par un humain.
Le rôle de l’humain lors de la création assistée par intelligence artificielle peut en effet s’avérer limiter et ne pas permettre d’isoler un apport créatif de la part de la personne faisant usage du service de création assistée par un humain.
Il s’agit alors pour l’utilisateur de démontrer un apport créatif qui retranscrit sa personnalité et à distinguer de la simple idée. En effet, l’IA participe à la conception de la création et des instructions même précises peuvent conduire à des résultats variés émis par l’IA.
Afin de démontrer sa qualité d’auteur, l’utilisateur doit alors démontrer sa démarche créatrice lors de l’établissement des consignes données à l’outil de création assistée par IA : projet, choix des outils de travail, lignes de commande, apport d’un support d’origine etc.
Il peut également apporter la preuve de modifications ultérieures de la création émise par l’IA : corrections, recadrage, colorisation etc.
Au niveau international, on peut remarquer que la production d’un système d’intelligence artificielle ne peut être enregistrée devant le U. S. Copyright Office, car le Copyright Act n’accorde la protection qu’aux créations issues de l’ intelligence humaine. Les guidelines récemment publiées sont claires à cet égard et exige d’identifier clairement les contributions de l’auteur humain au sein de l’œuvre soumise à enregistrement, y compris pour l’enregistrement d’œuvres étrangères.
Enfin, si l’utilisateur ne peut démontrer un processus créatif et une protection par la propriété intellectuelle, la création générée relève du droit commun, en tant qu’actif immatériel. La propriété de la création peut alors se démontrer par la possession ou par le contrat, notamment via la cession prévue aux conditions générales du service utilisé.
3/ Les services de création assistée par IA respectent-elles les droits des ayants droits tiers ?
Les services de création assistée par IA fonctionnent au moyen d’importent bases de données (images, textes) et de métadonnées (définition, caractéristique, mots-clés) avant de faire usage de ces données pour la composition de nouveaux contenus.
Il s’agit donc de considérer non seulement la présence d’œuvre protégées au sein de la base de données des services de création mais également les conditions dont il en est ensuite fait usage.
La présence d’œuvre préexistante dans une base de données a été organisée par une directive européenne (2019/790 du 17 avril 2019) et une transposition en droit français (article L 12265-3 du Code de la propriété intellectuelle).
Il est ainsi prévu une exception de « fouilles de textes et de données » selon laquelle les titulaires de droits d’auteur ne peuvent s’opposer à un tel process dès lors qu’il est effectué « aux seules fins de la recherche scientifique par les organismes de recherche, les bibliothèques accessibles au public, les musées, les services d’archives ou les institutions dépositaires du patrimoine cinématographique, audiovisuel ou sonore ».
Par ailleurs, la fouille de textes et de données est également possible « quelle que soit la finalité de la fouille, sauf si l’auteur s’y est opposé de manière appropriée. ».
Ainsi, les services de création assistée par IA peuvent constituer une base de données d’œuvres préexistantes, sous la seule condition que les ayants-droits de celles-ci n’aient pas fait opposition.
L’absence de retrait d’une œuvre après une opposition pourrait alors constituer une contrefaçon.
S’agissant des œuvres générées par l’IA, elles reprennent des caractéristiques et composantes issues de leur base de données, et notamment d’œuvre préexistantes.
Les créations ainsi générées sont ainsi qualifiables d’œuvres composites, c’est-à-dire une « œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière » (art. L113-2 du CPI).
Une œuvre composite « est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante » et suppose donc de solliciter l’accord du titulaire des droits de l’œuvre incorporée, sauf si cette dernière est dans le domaine public (art. L113-4 du CPI).
Cependant la preuve de la reproduction ou l’imitation par l’intelligence artificielle d’une œuvre préexistante protégée est délicate, en ce que celle-ci se retrouve incorporée à un contenu complexe, reprenant de très nombreuses œuvres ou éléments antérieurs.
Au-delà de la contrefaçon, l’imitation de style pose question. Ce procédé s’il n’est pas sanctionnable sur le fondement de la contrefaçon, soit parce que le simple « style » n’est pas protégé, soit parce que la contrefaçon doit être une copie d’une œuvre déterminée et non une imitation d’un genre, est néanmoins contesté par les auteurs imités.
Dans ce cadre, les auteurs lésés peuvent se reposer sur le droit commun et notamment sur la concurrence déloyale ou le parasitisme.
Enfin, les auteurs ou ayant-droit d’œuvres préexistantes pourraient également invoquer le droit moral et notamment le droit à la paternité si l’auteur n’est pas mentionné lors de l’exploitation de l’œuvre composite ou le droit au respect de l’œuvre si l’œuvre composite dénature l’œuvre préexistante.
Au vu de ce qui précède, il apparait que la création assistée par intelligence artificielle soulève des questions complexes. L’usage de ces créations est soumis aux conditions générales des éditeurs de service comme au droit des auteurs d’œuvres préexistantes et la protection par le droit d’auteur des contenus générés est délicate. Ainsi, dans le cadre de projet impliquant des créations assistées par intelligence artificielle, il est judicieux de prendre contact auprès d’un avocat spécialisé pour déterminer la bonne marche à suivre in concreto.
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