Les NFT connaissent un essor massif et suscitent autant d’intérêt que de questionnement, particulièrement dans le cadre des industries artistiques et culturelles.
Avant de considérer les perspectives que les NFT offrent au secteur de l’audiovisuel et du cinéma, il est essentiel de revenir sur la définition des NFT et des crypto-monnaies.
Définitions
« NFT » est l’acronyme de Non-Fungible Token et peut se traduire en français par « Jeton Non Fongible ».
Un NFT constitue alors un jeton numérique unique, qui ne peut pas être remplacé ou échangé avec un autre jeton.
Il se différencie en cela des crypto-monnaies de type « bitcoin » parfaitement échangeables entre elles et constituant une monnaie numérique indépendante du réseau bancaire et sécurisée par cryptage (« blockchain »).
Afin de sécuriser les transactions, un NFT est certifié par une « blockchain », c’est-à-dire une technologie sécurisée de stockage et de transmission d’informations de manière directe et transparente dans un registre distribué empêchant toute falsification
Les NFT peuvent alors représenter une chose incorporelle, un objet physique ou des droits spécifiques.
Ils sont utilisés dans des cadres variés, à titre commercial ou artistique et notamment pour des cartes dématérialisées ; des représentations numériques d’objet à utiliser dans un jeu vidéo; des terrains virtuels à acquérir dans des « métavers » mondes ludiques et fictifs; des œuvres diverses …
A cet égard, le langage commun vient souvent confondre les NFT, élément numérique implanté dans la blockchain, et les contenus et données sur lesquels ils portent (images, sons etc.).
Perspectives et initiatives de l’industrie cinématographique et audiovisuelle
Les NFT peuvent être envisagés dans le cadre de l’exploitation des œuvres audiovisuelles mais également de leur financement.
Les NFT sont ainsi mobilisés dans le cadre du marketing/merchandising des films et l’on peut souligner les opérations de Warner Bros. qui a émis 100.000 NFT autour de Matrix sur la plateforme Nifty’s ou de la plateforme Veve qui édite des NFT à l’effigie de franchises comme Marvel ou Jurassic Park.
Si les films de studios sont très visibles, des initiatives existent aussi du côté de productions plus modestes.
Ainsi, « Claude Lanzmann : Spectres of the Shoah », documentaire britannique sur le tournage du film « Shoah », a été diffusé traditionnellement puis mis en en vente en 10 exemplaires de première édition pour l’équivalent de 375.000 dollars l’unité en NFT.
En France, Logical Pictures, a créé une filiale Cascade8 spécialisée dans les solutions technologiques. Via celle-ci, une collection de NFT à l’effigie du moyen métrage de science-fiction de Seth Ickerman, Blood Machines, est mise en vente, et s’intègre dans le merchandising du film.
De la même manière, une collection de NFT à l’effigie de Music Hole, de Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher a été mise en vente sur Binance sous la forme de 12 dessins mis en vente en 100 exemplaires, chaque NFT permettant au surplus d’assister à l’avant-première du film au Grand Rex à Paris. Le distributeur du film, Amos Rozenberg, président de Paramax, a expliqué l’initiative en indiquant souhaiter fédérer des spectateurs et mettre en place “ une manière innovante pour nous de financer une partie de la distribution du film avec des NFT”.
Au-delà du marketing et des produits dérivés, le film « Zero contact », un thriller réalisé en grande partie via Zoom avec Anthony Hopkins à l’affiche a été diffusé pour le lancement de Vuele, une plateforme permettant de visionner du contenu sous format NFT.
Les NFT sont également utilisés dans le cadre de la levée de fond, afin d’accompagner ou de pallier les systèmes de financements traditionnels. La série d’animation Stoner cats a ainsi levé environ 8 millions de dollars en 35 minutes à raison d’un peu moins de 1.000 dollars le ticket !
Par ailleurs, le producteur Niels Juul a initié la création de NFT Studios avec pour objectif de financer intégralement le long métrage, A Wing and a Prayer, face aux difficultés de financer le cinéma indépendant aux Etats-Unis.
Pour cela, Niels Juul s’est associé à NFT Investments pour émettre des NFT qui offriront des privilèges à leurs détenteurs : accès au tournage ou à l’avant-première, droit de vote dans certaines décisions etc. Jonathan Bixby, dirigeant de NFT Investments définit l’initiative ainsi “NFT Studios est comme un club, et les NFT que nous vendons vous donnent accès aux avantages du club.”
En France, Elisha Karmitz, directeur de Mk2 a également affirmer l’intérêt du groupe et observer “avec beaucoup d’intérêt l’évolution du marché des NFTs” et souligne une “vraie opportunité de redéfinir les usages que l’on a d’internet et donc de la consommation de contenus”.
Surtout, de manière concrète, la DCF (pour Diversité du Cinéma Français), dirigée par Sarah Lelouch et Joël Girod, entend faire usage des NFT mais a également créé une cryptomonnaie spécifique, le klapcoin afin de financer films et séries.
Dans ce cadre, la somme investie par un investisseur est convertie pour 88,5% en Klapcoin, qui serviront de capitaux de production et pour 11,5% en Lux, NFT qui donne accès à des récompenses : places pour des avant-premières, rencontre avec les équipes des films, ou encore droits de vote.
L’initiative est ambitieuse, avec une annonce d’objectif de 8 millions d’euros pour financer 15 à 20 films ou séries et un « soft cap » d’au moins 2 millions d’euros levés auprès des investisseurs pour exister, le succès est pour l’instant limité. Au 31 mai 2022, seuls 400 000 euros avaient été levés.
De manière moins généralisé, les studios français Rooftop Production et Karlab ont également développé une vente de 50 000 NFT afin de financer le film d’animation “Plush”. Les NFT mises en vente comprennent à la fois un “Ourson numérique” ainsi que des parts de coproduction et droits de vote. Le succès de l’opération est mitigé, mais la levée de fonds atteint environ 1,6 million d’euros.
Création et mise en vente de NFT
La création et la mise en vente de NFT suppose de pouvoir intégrer sa démarche dans une blockchain et de mettre en vente les NFT sur une plateforme dématérialisée.
De manière simple, la création d’un NFT se fait en deux étapes, la partie (plus ou moins) créative avec des outils communs dans la création digitale puis l’inscription du NFT sur une blockchain via une plateforme.
Dans ce contexte, de nombreuses plateformes sont disponibles et permettent de générer des NFT ainsi que de les commercialiser, parmi lesquelles notamment Rarible , OpenSea ou Pianity.
Afin de générer le NFT, il faudra ensuite connecter un “wallet”, tel que Metamask, portefeuille utilisé pour payer les frais de création en cryptomonnaie, parmi lesquelles Ethereum est la plus usitée.
Les NFT peuvent être mises en vente via les plateformes ou sur une marketplace dédiée qu’il est possible de créer notamment via shopify ou metaplex.
Cependant, dans le cadre de projets ambitieux et spécifiques, il peut être judicieux de ne pas passer par les plateformes “mainstream” mais de développer une solution propre à chaque projet.
Par ailleurs, la mise en place de NFT ou de crypto-monnaies suppose de prendre des précautions, notamment concernant le statut juridique de celles-ci.
Du point de vue de la propriété intellectuelle, il s’agit alors de distinguer le NFT de l’œuvre qu’il désigne ou des droits sur une œuvre qu’ils désignent. Le NFT en lui-même n’est pas une œuvre de l’esprit et dans le cadre d’une cession, le champ d’exploitation des droits cédés via le NFT doit être expressément déterminé afin que la cession réponde aux exigences du code de la propriété intellectuelle.
Dans ce cadre, le statut des NFT varie nécessairement selon ce qu’ils désignent – qu’ils s’agissent notamment d’éléments de marketing/merchandising, d’un droit de visionnage ou d’exploitation ou d’accès aux revenus du films …
Ces derniers sont plus fortement réglementés et supposent alors de considérer les positions de l’Autorité des marchés financiers et les éventuelles démarches à réaliser auprès de celle-ci pour l’émission de NFT ouvrant des droits financiers, plus particulièrement dans le cadre de levée de fonds.
Enfin, la fiscalité des NFT est complexe : doivent-ils être traités comme des œuvres d’art, des actifs numériques ou des biens meubles incorporels ?
Les définitions en vigueur, et celles arrivant en 2023, n’apportent pas de définition précise d’un NFT, ni a fortiori de régime applicable et il semble alors nécessaire d’analyser chaque NFT afin de déterminer quel régime appliqué au vu de ce qui est effectivement visé dans le NFT.
Au vu de la complexité du sujet, il est judicieux pour un producteur ou distributeur souhaitant mettre en place des NFT ou crypto-monnaies de s’entourer des services d’un avocat spécialisé.
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