Le 11 juin 2025 s’est conclue la grève des acteurs hollywoodiens contre l’usage de l’intelligence artificielle générative dans le cinéma, après onze mois de négociations. De même, en 2023, une grève d’une grande ampleur organisée par les auteurs, suivis après quelques semaines des acteurs, afin de réclamer de meilleurs droits résiduels sur leurs œuvres et, plus globalement, de renégocier les contrats existants. Il fallut trois mois de grève pour obtenir gain de cause par la signature de nouveaux accords. Les grèves de ce genre, à l’instigation des syndicats, sont fréquentes et ont un impact certain sur l’évolution des conditions de travail de leurs membres.
Aux Etats-Unis, la majorité des acteurs américains sont membres d’un syndicat appelé la Screen Actors Guild (SAG-AFTRA). Cela leur permet de bénéficier de meilleures conditions de travail et d’une rémunération plus avantageuse, négociées et encadrées par la SAG, et de faire valoir leurs droits. Une organisation similaire existe pour les réalisateurs, regroupés dans la Directors Guild of America (DGA), ainsi que pour les auteurs, appelée la Writers Guild of America (WGA).
Mais quelles en sont les implications pour les producteurs souhaitant embaucher des membres de ces guildes ? En effet, les syndicats encadrent strictement la participation de leurs membres et il est nécessaire de se plonger dans le régime instauré en conséquence.
Principe
Les trois syndicats ont le même principe fondateur : les membres ont l’interdiction de participer à des productions dites hors union, c’est-à-dire celles n’ayant pas agréé aux accords de base négociés par les syndicats. Cette interdiction est stricte et les membres l’outrepassant sont sévèrement sanctionnés : par exemple, s’agissant des scénaristes WGA, ils devront verser une amende pouvant aller jusqu’à 2 000 $ et feront l’objet d’une action disciplinaire.
Ainsi, la solution pour embaucher un membre de syndicats est tout simplement d’adhérer aux fameux accords, en devenant signataire de la guilde. Cela permettra de se séparer du statut de production hors union et de s’afficher comme étant en conformité avec les conditions négociées par le syndicat.
Signataire
Il s’agit d’un processus gratuit qui permet à la production de conclure un contrat avec le syndicat, confirmant qu’elle respectera les accords de base dans le cadre du contrat de travail avec le membre embauché. Ainsi, par exemple, pour embaucher un acteur SAG, il faudra devenir signataire SAG. Pour cela, il suffit de remplir un formulaire disponible sur le site du syndicat, accompagné des documents requis. A ce titre, il est à noter que le formulaire peut différer selon le budget et le type de production : la DGA classe par exemple les films cinématographiques avec 8 niveaux selon le montant du budget, ou encore les documentaires destinés à être diffusés en cinéma, ayant un budget inférieur ou supérieur à 11 millions de dollars, et ceux diffusés à la télévision. Il faudra donc être vigilant afin de remplir le formulaire adapté.
S’agissant des délais, la DGA recommande d’envoyer le formulaire au maximum quatre semaines avant le début du tournage. Les délais sont similaires pour le formulaire SAG, qui doit leur parvenir quatre à six semaines avant le premier jour de travail de l’acteur. Quant à la WGA, il faut devenir signataire avant de conclure tout contrat avec l’auteur, y compris, d’ailleurs, un contrat d’option. Globalement, il est donc recommandé de s’y prendre suffisamment tôt pour éviter des délais dans la production, étant entendu qu’aucun membre d’un syndicat ne commencera à travailler avant que le statut de signataire soit obtenu.
Les implications
En devenant signataire, le producteur s’engage à respecter les conditions de travail négociées par le syndicat dans ses accords minimaux. Notamment, les accords fixent une rémunération plancher, parfois négociable pour les petits budgets, auquel le producteur doit se conformer. Par exemple, pour embaucher un auteur WGA dans le cadre d’un long métrage à petit budget, soit moins de 5 millions de dollars, pour l’écriture d’un scénario original incluant le traitement scénaristique, la rémunération minimale est une somme fixe d’un montant de 90 904 $, ainsi qu’une rémunération proportionnelle s’élevant à 1,2% des recettes nettes part producteur.
En effet, chaque syndicat met à disposition des barèmes (rate sheet ou rate card en anglais) qui prévoient tous les cas de figure possibles pour embaucher un membre de syndicat, ainsi que, dans certains cas, les échéances minimales pour le versement de chaque somme. Si nous reprenons l’exemple de l’auteur WGA d’un long métrage à petit budget, 41 188 $ doivent être versés à la remise du traitement scénaristique original, puis 35 796 $ à la remise de la première version du scénario et, enfin, 13 920 $ à la remise de la seconde version, le paiement ayant lieu entre 2 et 7 jours après la remise. Les barèmes prévoient également le montant minimum des frais additionnels, comme la somme de 29 826 $ pour la réécriture du scénario de long métrage à petit budget.
Cela inclut également les conditions de travail. Le réalisateur DGA d’un long métrage cinématographique, par exemple, doit être consulté pour toutes les décisions créatives, y compris les modifications de script, avoir son propre bureau, assister aux castings, etc. Grâce au contrat de signataire entre le producteur et la Guilde, il a la garantie d’être impliqué dans la réalisation du film, du casting au montage final. En cas de différend entre le producteur et le réalisateur, celui-ci aura la possibilité de se faire représenter par un membre du syndicat pour faire valoir ses droits ou renégocier.
La SAG prévoit également d’autres compensations, notamment une indemnité de repas d’un montant de 60 $ par jour lorsque les repas ne sont pas fournis directement par le producteur et en cas de tournage de nuit, ainsi que la prise en charge complète du transport lorsque l’acteur se déplace à la demande du producteur.
Travailler avec un non-membre en étant signataire
Une particularité de la SAG est qu’une fois qu’un producteur obtient le statut de signataire, il s’engage à n’employer que des acteurs SAG. Cela peut poser problème notamment dans le cadre d’une production internationale. La SAG prévoit donc une dérogation : le producteur peut remplir un formulaire dit Taft-Hartley, qui permet d’indiquer à la SAG qu’il embauche un acteur non SAG et demander l’approbation de la Guilde pour ce faire. Il faudra aussi justifier de la raison pour laquelle un acteur SAG n’est pas embauché au profit d’un acteur non SAG. Il est à noter qu’il est plus simple d’obtenir une dérogation lorsque le rôle des acteurs non SAG est en langue autre qu’anglais, ou que le rôle a des nécessités en termes culturels. Il faudra faire un formulaire par acteur et l’envoyer dans les quinze jours avant le premier jour de travail de l’acteur non SAG. Il est cependant conseillé de s’y prendre plus en amont, afin de limiter les conséquences qu’un refus de la SAG pourrait entrainer, bien que l’étude du formulaire par la SAG ne commence qu’après réception de tous les papiers de production finaux à la SAG. Il est aussi envisageable de prévoir directement dans les contrats de financements une réserve dans les caractéristiques du Film liée à la validation de la dérogation par la SAG, ou à l’inverse portant sur le casting SAG.
Le même mécanisme est prévu par la DGA. Les conditions sont toutefois plus souples. L’obligation du producteur d’embaucher des membres DGA ne s’étend qu’au réalisateur et aux assistants réalisateurs. Il ne s’agit pas d’un formulaire précis mais simplement d’une analyse au cas par cas par la Guilde, qui décidera ou non d’accorder la dérogation. Pour ce faire, il faudra contacter la DGA avant de débuter la production afin d’en discuter.
A l’inverse, un producteur ayant le statut de signataire à la WGA peut embaucher des auteurs non WGA. Dans ce cas, les conditions des accords minimaux s’appliquent à tous les auteurs embauchés.
Dispositions relatives aux agents
S’agissant des agents et autres représentants des membres, les membres des différents syndicats ne peuvent que se faire représenter par des agences franchisées, dont la liste est accessible sur le site internet. Le processus de signature est plus ou moins similaire à celui des producteurs, si ce n’est qu’à la SAG, il faut au minimum un an d’expérience pour devenir signataire. Autrement, il s’agit simplement de remplir le formulaire relatif à la franchise et d’attendre validation par la guilde.
De manière identique aux producteurs, les agences s’engagent, en devenant signataire, à respecter les règles et conditions négociées par le syndicat. Notamment, la commission de l’agent ne doit pas excéder 10% de la rémunération de la personne représentée.
En tout état de cause, si vous songez, en tant que producteur ou agent, à embaucher ou représenter un acteur, auteur ou réalisateur membre d’un syndicat américain, il peut être judicieux de prendre conseil auprès d’un avocat spécialisé afin d’être accompagné ou représenté dans cette démarche particulière.
Liens vers les formulaires de signataire :
SAG-Aftra : https://www.sagaftra.org/production-center
DGA : https://www.dga.org/Employers/BecomingSignatory
WGA : https://www.wga.org/employers/signatories/become-a-signatory
PARTAGER CET ARTICLE
sl@avocatl.com
+33.1.83.92.11.67
11 rue Sédillot
75007 Paris
Renseignez votre e-mail :