Le rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles établi sous la direction de Dominique Boutonnat a été publié le 13 mai 2019, et accompagné d’une annonce retentissante d’Emmanuel Macron.
Ce dernier a ainsi annoncé créer un fonds d’investissement de 225 millions d’euros à destination des entreprises culturelles et créatives qui sera géré par Bpifrance, assisté de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic), tel que préconisé par le rapport. Aussi, est-il essentiel de nous pencher sur les buts poursuivis et les propositions faites en ce sens par le rapport. Ce dernier met en avant l’intérêt pour le secteur de faire appel aux financements privés afin d’ « assurer un relais de croissance aux entreprises de production et de distribution » alors que la part de ces financements est aujourd’hui relativement faible dans le financement des œuvres. Le rapport prend ainsi le parti pris d’un rapprochement avec les systèmes anglo-saxons. Dans cette optique, le rapport établit qu’il est nécessaire pour ce faire d’ « accroitre la rentabilité des actifs (les œuvres) » . En effet, les études sur la rentabilité ont mis en avant que depuis 2005, seuls 10 % à 12 % des films sont bénéficiaires deux ans après leur sortie en salles, ce qui n’est pas attractif pour des investisseurs privés. En ce sens 7 propositions sont faites que nous allons reprendre de manière synthétique ci-après.
• Aligner les intérêts de tous les financeurs des contenus
Le rapport préconise ainsi de mettre en place des conditions pari passu pour tous les financeurs et d’intégrer les frais d’édition dans le coût des films. Cela modifierait en profondeur les usages, notamment concernant les relations producteurs-distributeurs.
• Redonner une valeur de marché à toutes les fenêtres d’exploitation dans le cadre d’une chronologie des médias rénovée
Il s’agit dans ce cadre d’intéresser davantage les chaînes de télévision au cinéma en venant modifier le régime de leurs obligations d’investissement au vu de l’évolution du secteur et en supprimant les interdictions de diffusion sur certains jours.
Il est également évoqué que la stratégie de sortie puisse être établi après l’établissement du film, la primo-exploitation en salle n’étant pas obligatoire.
Enfin, il s’agit d’organiser une meilleure exploitation des catalogues d’œuvres.
Ces points ne sont pas sans soulever de difficultés, la négociation de la chronologie des médias établie en décembre 2018 ayant nécessité à elle seule des années de négociations.
L’accès des aides au long-métrage à des aides ne bénéficiant pas d’une première exploitation en salle entrainerait inéluctablement une dispersion de celles-ci.
• Valoriser les acquis réels du modèle français en matière de transparence en créant une blockchain (chaîne de blocs)
Ce point passe notamment par une réorganisation du RCA et du régime des sûretés cinématographiques, accompagnée d’un accroissement des audits des comptes.
Il s’agirait par ailleurs de mettre en place une blockchain permettant la traçabilité complète, l’exécution automatique et la remontée directe des recettes aux ayants droits et, de déployer à plus long terme des smart contracts (contrats intelligents), c’est à dire un protocole informatique facilitant, vérifiant et exécutant la négociation ou l’exécution d’un contrat.
Si l’intérêt apparaît ici évident et difficilement contestable, l’organisation de ce nouveau modèle va supposer un travail considérable et ne sera surement pas sans soulever des difficultés au cours de la transition.
• Mettre en place, avec les compétences de bpifrance et de l’IFCIC, un fonds de capital-investissement dédié au secteur
Ce fond a pour but de réaliser des investissements dans des entreprises pour financer leur développement, tout en accompagnant les producteurs et distributeurs à s’adapter au nouveau système et dans la formalisation de leurs business plans.Tel que nous l’avons vu il est d’ores et déjà mis en place et la présidente du CNC) Frédérique Bredin s’est déjà réjoui d’un « levier exceptionnel pour l’innovation et la création ».
On ne sait cependant pas à quelle hauteur le fonds bénéficiera à l’industrie cinématographique, l’envelloppe de 225 millions d’euros étant alloué aux industries culturelles, ni quels acteurs seront privilégiés. On peut notamment craindre que seront favorisés les œuvres les plus rentables ou les producteurs et groupes détenteurs de catalogues importants, l’objectif annoncé du rapport étant de faire naître des « champions européens » capables de peser face aux plateformes telles que Netflix.
• Maintenir et améliorer le dispositif des SOFICA pour accompagner la transition du secteur
Le dispositif actuel mobilise environ 60M€ chaque année, avec un avantage fiscal à 48% depuis 2017. Le rapport suggère là encore une révision du système existant et principalement une simplification de la charte SOFICA comme de l’encadrement juridique. Cela passerait notamment par un agrément pluriannuel et une mise à plat des critères d’attribution des enveloppes.
Les propositions semblent modérées et vouloir assurer une continuité du système tout en prenant en compte l’évolution du secteur comme des dispositifs fiscaux (fin du dispositif ISF-PME, revalorisation de l’avantage IR-PME en attente de validation par la commission européenne).
• Favoriser la mise en place de FPCI (Fonds Professionnel de Capital Investissement et FCPR (fonds commun de placement à risque) dédiés aux industries culturelles françaises d’excellence en aidant à assurer une partie de la liquidité de ces produits par le fonds public dédié.
Cet outil supplémentaire constitue une bonne nouvelle pour le secteur, et nous ne pouvons qu’espérer son succès auprès des investisseurs même si on ne connaît ni les conditions et ni la politique d’investissement qui seront mise en place.
• Recentrer le CNC sur les missions les plus essentielles à la politique culturelle et, développer ses compétences économiques
Il s’agit là principalement de permettre au CNC d’accompagner au mieux la mise en place des propositions du rapport en mettant en place un comité de pilotage et de suivi et en réaffirmant son rôle de garant de la transparence du secteur.
Est également évoquée la nécessité de repenser le système d’aides pour qu’il soit plus simple et plus lisible et celui de l’attribution du soutien entre les producteurs.
Les propositions sur ce point sont néanmoins trop floues pour qu’une appréciation puisse être faite.
Enfin, le rapport insiste sur l’importance d’une mutation rapide du secteur, qui semble d’ores et déjà amorcé par la création du fonds annoncée concomitamment à sa publication.
Le rapport prévoit ainsi de nombreux changements proches, qu’il sera nécessaire de prendre en compte dans le cadre du développement de projets cinématographiques sur les années à venir. Il sera notamment nécessaire de se faire accompagner pardes conseils maitrisant les nouvelles dispositions à venir.
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