Un accord pour les fictions françaises
Sébastien Lachaussée et Elisa Martin-Winkel

Sébastien Lachaussée et Elisa Martin-Winkel

Un accord pour les fictions françaises

Lors de la dernière édition du festival lillois SérieMania, la Guilde française des scénaristes, la SACD, et les syndicats de producteurs SPI et USPA ont conclu un accord interprofessionnel afin d’encadrer les conditions d’écritures des œuvres audiovisuelles.

L’accord entrera en vigueur au 1er juillet 2023 et s’applique aux contrats conclus entre auteurs-scénaristes et producteurs délégués d’œuvres audiovisuelles, en prises de vue réelles non destinée à une première exploitation cinématographique.

Cet accord ne concerne pas les fictions quotidiennes feuilletonnantes, les séries de fiction de format court, avec des épisodes d’une durée inférieure ou égale à 6 minutes, et dont le volume annuel de production excède 50 épisodes, ni les œuvres de fiction interactives ou immersives ou exclusivement destinées aux réseaux sociaux.

L’accord est très dense et organise les relations entre auteurs-scénaristes notamment par la mise en place de principes généraux et de définitions communes et la mise en place de rémunérations minimales en faveur des scénaristes.

I – Principes généraux

L’accord détaille un certain nombre de principes, venant encadrer les relations entre scénaristes et producteur et notamment les dispositions reprises ci-dessous. 

Un producteur ne peut présenter aux éditeurs de services que des projets ayant fait l’objet d’un contrat de commande et de cession de droits ou un contrat d’option rémunéré. Il est à cet égard précisé que la prise d’une option ne peut porter que sur un projet préexistant concrétisé par un texte préalablement écrit par un scénariste.

Le producteur doit préciser dans le préambule du premier contrat relatif à un projet, conclu avec un auteur qui a apporté le sujet de l’œuvre audiovisuelle objet dudit contrat et les obligations relatives à la tenue d’une fiche généalogique d’écriture retraçant tous les auteurs d’un projet sont rappelées. 

L’auteur-créateur d’une bible initiale acceptée par le producteur a un droit de priorité pour l’écriture de la bible complémentaire, du premier épisode écrit et/ou des
arches narratives

En cas de litige relatif au contrat de production audiovisuelle, les scénaristes et producteurs devront recourir à une médiation devant l’AMAPA

II – Nouveau lexique

L’accord intègre un lexique exhaustif, obligatoire et d’application stricte. Ainsi, l’adjonction à une définition de qualificatifs (« développé », « synthétique » etc. ») ne peut pas permettre de contourner les définitions données ou d’en modifier la portée.

Le lexique reprend notamment toutes les étapes d’écriture, avec un encadrement du nombre de pages et du nombre de versions successives de chaque, ainsi que sur les échanges correctifs entre scénaristes et producteurs étape (deux à trois versions par document avant communication au diffuseur). Toutefois, l’accord n’impose pas que toutes les étapes d’écritures soient reprises dans un contrat de commande et de cession.

A titre d’exemple : 

Le pitch d’épisode ou argument d’épisode désigne « un texte d’une page maximum qui formule sommairement la thématique, l’univers et une amorce d’intrigue dans le cadre défini par la bible d’une série ou d’une collection »

Une trajectoire de saison désigne : « un texte de cinq pages maximum décrivant sans les détailler les principaux mouvements narratifs d’une saison. »

Un synopsis désigne « le texte qui décrit la principale intrigue de l’histoire, du début jusqu’à la fin, et esquisse les principaux personnages et leur évolution, sans entrer dans les détails »

L’encadrement des formats des textes est également encadré par un nombre de 3000 signes par page, le nombre maximum de pages par textes étant établi selon la durée de l’épisode ou de l’œuvre unitaire.

Ainsi à titre d’exemple pour un synopsis, le nombre de pages minimum varie de 1 à 13 pages, avec des maximas de 2 à 16 pages, pour un traitement, le nombre de pages minimum varie de 4 à 19 pages, avec des maximas de 8 à 29 pages, et ne s’applique pas aux œuvres inférieures à 20 minutes.

La bible initiale d’une série fait l’objet d’une définition détaillée et correspond à un document de 8 à 25 pages, comprenant des éléments déterminés par le producteur et l’auteur-créateur (un ou plusieurs auteurs) parmi une liste prédéfinie de document parmi lesquels : note d’intention, cadre général, principes narratifs, principes narratifs, argument du premier épisode ou liste de pitchs d’épisodes … en distinguant les séries « majoritairement  feuilletonnantes » (résolution en fin d’épisode) et « majoritairement bouclées » (résolution en fin de saison).

La bible initiale peut par ailleurs s’accompagner d’une bible complémentaire.

Enfin, l’accord prévoit une définition de l’atelier d’écriture structuré (ADES) et des conditions de sa mise en œuvre.  Il s’agit alors de la mise en place à l’initiative du producteur délégué après la signature d’une convention de développement, d’un cadre visant à favoriser la collaboration entre auteurs avec des auteurs référents et l’organisation d’ateliers d’écritures.

III – Rémunération des auteurs

L’accord met en place à la fois une enveloppe minimale d’écriture (EME), des rémunérations minimales pour l’écriture de la bible et impose une rémunération après amortissement.

L’EME vient garantir le montant minimal affecté à l’écriture d’une œuvre audiovisuelle. Elle est établie selon des barèmes précis et en fonctions des modalités d’écriture (ADES ou non), de la nature des projets (adaptées ou non d’une œuvre audiovisuelle ou cinématographique préexistante) et des dépenses directes horaires.

A titre d’exemple, pour une écriture sans ADES, d’une œuvre originale, le montant global de l’EME est égal à 3% des dépenses directes pour les œuvres de fiction françaises.

Le montant des dépenses directes est en tout état de cause plafonné à 1,2 M € et des minima sont instaurés. Pour une œuvre originale, le montant minimum d’EME est de 27 550 € par heure (soit 23 833 € pour une œuvre de 52 minutes).L’EME ne s’applique pas aux œuvres de fiction dont les dépenses directes sont inférieures à 600 000 € par heure ou aux œuvres en coproduction internationale dans lesquelles la commande d’une partie de l’écriture est contractualisée par un coproducteur étranger.

La rémunération minimale à revenir à l’auteur-créateur de la bible d’une série originale dépend à la fois de la signature d’une convention de développement et du montant des dépenses directes horaires de la série.

Les paliers sont établis ainsi :une base minimale de 6 000 € bruts, une base minimale portée à 11 000 € bruts, si une convention de développement est signée avec un éditeur de services, et enfin ne base minimale portée à 20 000 €, si une série dont les dépenses directes horaires sont supérieures ou égales à 600 000 € est mise en production.         

Qu’il s’agisse de l’EME ou de la rémunération de la bible, l’accord précise expressément que les montants définis ne sont pas destinés à devenir une norme de marché dans les usages professionnels et sont uniquement une garantie minimale.

Enfin, l’accord définit et rend désormais obligatoire, un mécanisme automatique de rémunération complémentaire après amortissement du coût de l’œuvre.

Cette rémunération consiste en une majoration du taux de sa rémunération proportionnelle pour les modes relevant de la gestion individuelle et est négocié de gré à gré entre scénariste et producteur. Toutefois, si l’auteur bénéficie d’une autre forme de rémunération complémentaire, cette majoration devient facultative.

Au vu de l’étendue de l’accord et des nombreuses spécificités, afin d’établir, négocier ou contrôler la légalité de l’organisation de l’écriture d’une œuvre audiovisuelle et de la contractualisation avec les scénaristes, il est judicieux de prendre conseil auprès d’un avocat spécialisé de sorte que la contractualisation des relations auteurs-producteurs soient conforme à ce nouvel accord.

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